La puissance et l’impact dans les relations internationales en ce XXIe siècle se mesurent au poids économique et l’exemple est donné par la Chine qui, en quelques décennies, représente en 2022 plus de 70% du PIB des BRICS et près de 20% du PIB mondial préfigurant entre 2023 et 2030 une profonde reconfiguration du pouvoir économique mondial où contrairement à certaines supputations nous devrions assister à une entente avec les USA pour se partager les zones d’influence.
1 – La Chine, d’une superficie de 9 600 000 km2, s’étend des côtes de l’océan Pacifique au Pamir et aux Tian Shan et du désert de Gobi à l’Himalaya et au Nord de la péninsule indochinoise est un pays de l’Asie et Shanghai est l’un des plus grands centres financiers mondiaux. L’emblématique Grande Muraille de Chine partage le nord du pays d’est en ouest. D’après les estimations de l’historien de l’économie Angus Maddison, au XIIIe siècle, la Chine était déjà le pays du monde le plus peuplé, mais il était aussi le plus riche, avec un revenu par habitant supérieur à celui de l’Europe occidentale. Par la suite, alors que l’Europe entrait dans une ère de développement économique, la Chine entrait dans une phase de stagnation, puis, au XIXe siècle, de déclin. La Chine connaît depuis vingt-cinq ans une croissance économique rapide qui a permis au revenu par habitant d’être multiplié au moins par cinq.
La Chine, qui était à la fin des années 70 une économie fermée et d’un poids marginal dans l’économie mondiale, est devenue en un quart de siècle une grande puissance économique et commerciale. L’ouverture de la Chine au commerce et aux investissements internationaux apparaît comme l’un des faits majeurs de l’économie mondiale. Quelle place occupe la Chine au sein de l’économie mondiale ? Les 20 pays les plus riches du monde en termes de PIB fin 2022, sont successivement selon la Banque mondiale en 2022 –les USA 25346 milliards de dollars, pour une population de 336 millions d’habitants, la Chine 19911 pour une population de 1,4 milliard d’habitants, le Japon 4912 pour une population de 125 millions, l’Allemagne 4256 pour une population de 83 militions, le Royaume Uni 3376 pour une population de 69 millions d’habitants, l’inde 3291 pour une population supérieure à celle de la Chine 1,4257 milliard habitants, la France 2936 pour une population de 68 millions d’habitants, le Canada 2221 pour une population de 40 millions d’habitants, l’Italie 2058 pour une population de 59 millions, le Brésil 1833 pour une population de 219 millions d’habitants, la Russie 1829 pour une population de 146 millions, la Corée du Sud 1804 pour une population de 52 millions, l’Espagne 1435 pour une population de 48 millions, le Mexique 1322 pour une population de 134 millions, l’Indonésie 1289 pour une population de 275 millions, l’Arabie saoudite 1040 pour une population de 38 millions, les Pays-Bas 1013 pour une population de 18 millions, la Suisse 842 pour une population de 9 millions et Taiwan 841 pour une population de 24 millions. Les USA et l’Europe, y compris le Royaume-Uni, pour une population inférieure à 1 milliard d’habitants sur un PIB mondial dépassant en 2022 les 100.000 milliards de dollars accaparent plus de 40% de la richesse mondiale. Cependant, le ratio de l’Indice du développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et plus fiable que le PIB incluant notamment outre le PIB, le niveau d’éducation et de santé et récemment l’environnement la note variant entre 0 et 1 pour le rapport de 2022 relatant les données de 2021 nous avons le classement suivant pour les 20 premiers par ordre : Suisse 0,962, la Norvège 0,961, l’Islande 0,959, Hong Kong 0,952, Australie 0,951, Danemark 0,948, Suède 0,947, Irlande 0,925, Allemagne 0, 942, Pays Bas 0,941, Finlande 0,940, Singapour 0,939, Belgique 0,937, Nouvelle Zélande 0,937, Canada 0,935, Liechtenstein 0,935, Luxembourg 0,930, Royaume Uni 0,929, Japon 0,935, Corée du Sud 0,935. Pour d’autres pays nous avons les USA 0,921 21e place, l’Espagne 0,905 22e place, la France 0,903, 28e place, l’Italie 0,895 30e place, la Russie 0,802 52e place et la Chine 0,768 la 79e place, l’Algérie étant classée à la 91e place avec une note de 0,745 relativement honorable en référence au 191 pays, le Soudan étant le dernier au classement avec une note de 0,385.
2 – Les principaux clients de la Chine pour 2022 sont successivement : les USA avec 16,2% où les importations en provenance des Etats-Unis ont fortement augmenté (+33,0 % à 179,5 Md$), la Chine dégageant en 2021 le plus fort excédent commercial de son histoire avec les Etats-Unis : 397,1 Md$, l’ASEAN avec 15,8%, l’Union européenne avec 15,6%, Hong Kong 8,3%, le Japon 4,8%, la Corée du Sud 4,5%, l’Inde 3,3%, Taiwan 2,3%, la Russie 2,2% et le Brésil 1,7%. Pour les importations nous avons la Corée du Sud 7,4%, le Japon 6,8%, les USA 6,6%, l’Australie 5,2%, la Russie 4,5%, l’Allemagne 4,1%, la Malaisie 4,0%, le Brésil 4,0% et le Vietnam 3,2%.
En 2022 précisant qu’au niveau de l’Union européenne les échanges commerciaux Allemagne /Chine ont atteint en 2022, environ 280 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 20% par rapport à 2021. Entre 2017 et 2021, les importations en Chine de biens sont passées 1843,79 milliards de dollars à 2688,63 et les services de 464,13 milliards de dollars à 441,31. Les exportations de biens en 2017 ont été de 2263,34 milliards de dollars pour atteindre en 2021 3363,83 et les services passant de 226,38 à 392,19 milliards de dollars. La balance commerciale incluant les services est passé de 217,01 milliards de dollars à 462,80 milliards de dollars. Malgré ses politiques strictes, le pays est assez ouvert au commerce extérieur, qui représentait 37 % de son PIB en 2022 (Banque mondiale, 2023). Les principales exportations de la Chine comprennent les équipements électriques et électroniques (27%), les machines, les réacteurs nucléaires, les chaudières (16%), les meubles, les enseignes lumineuses, les bâtiments préfabriqués (4,1%), les plastiques (3,9%), les jouets (3% ), les appareils optiques, photographiques, techniques, médicaux (2,9%), les véhicules autres que ferroviaires, tramways (3,6%), les ouvrages en fer et en acier (2,8%). Le pays importe principalement des équipements électriques et électroniques (25%), des combustibles minéraux, des huiles, des produits de distillation (15%), des machines, des réacteurs nucléaires, des chaudières (8,6%), des scories et des cendres de minerais de fer (10 %), appareils optiques, photo, techniques, médicaux (4,1%), véhicules autres que ferroviaires, tramway (3,2%).
3 – Quelles perspectives en 2023 ? L’économie chinoise connaît une déflation où pour mai 2023, le taux d’inflation par rapport au même mois de l’année précédente était de 0,2 % et le taux de chômage global relativement fiable est resté stable à 5,2 % en mai 2023. Au premier trimestre 2023, la croissance affichée par la Chine est montée à 4,5% du PIB, mais les chiffres du second trimestre 2023 montrent un essoufflement de l’économie espérant un taux de croissance moyen fin 2023 de 5% contre 2,99% en 2022, un des taux les fiable depuis de longues décennies alors qu’il faut au moins 8/9% de taux de croissance pour absorber le flux additionnel d’emplois en Chine et donc d’éviter de vives tensions sociales. Aussi, le ralentissement de l’économie inquiète les dirigeants où Pékin cherche son équilibre entre une économie post-Covid-19 et une lutte d’influence cordiale avec les États-Unis. Ce climat d’inquiétude généralisée a des effets économiques. Les achats de produits manufacturés ralentissent où l’indice de ces achats se situait à 50,5 en juin 2023 alors qu’en mai, il était à 50,9. S’il descendait en dessous de 50, l’économie chinoise ne serait plus classée en expansion, comme c’est le cas depuis des décennies mais serait en contraction. Face à cette situation, les dirigeants ont demandé à la Banque centrale de Chine d’abaisser le taux de référence des prêts à moyen terme de 2,75% à 2,65%. Par ailleurs, 237 milliards de yuans (30,6 milliards d’euros) ont été injectés dans l’économie. Ces mesures relativement modestes permettent aux banques commerciales d’accorder un peu plus facilement des prêts. Mais pour l’instant, Pékin n’a pas mis en place un véritable plan de soutien de l’économie. La question fait sans doute l’objet de discussions serrées parmi les experts du Parti communiste, certains d’entre eux préconisent d’attendre avant d’engager des sommes considérables dans les circuits économiques du pays. Car les incertitudes de la croissance de l’économie mondiale n’incitent pas la Chine à prendre des initiatives économiques audacieuses. Pékin semble avoir le sentiment que les pays occidentaux sont résolus à limiter la montée en puissance de la Chine. En mars 2023 le président chinois Xi Jinping avait estimé que Washington «essaie d’entraver le développement de la Chine» et la stratégie vise à répondre aux limitations économiques que les États-Unis et l’Europe et le 7 juin 2023, à l’occasion d’un voyage à Hohhot, le chef-lieu de la région de Mongolie-Intérieure, au nord du pays, le président chinois a réitéré la nécessité pour la Chine d’appuyer son économie sur «un cycle puissant de demande intérieure, le cycle international, des marchés étrangers devant dès lors n’être qu’un second moteur de croissance».
4 – Qu’en est-il de la coopération avec l’Algérie ? L’Algérie et la Chine entretiennent des relations solides sur le plan politique où avant même l’indépendance de l’Algérie en 1962, Pékin ayant été l’un des premiers à reconnaître le Gouvernement provisoire qui partageait avec le régime communiste une culture révolutionnaire, ayant financé et armé pendant des années le FLN via l’Égypte de Nasser, sur le plan international, la Chine et l’Algérie ont des positions complémentaires concernant le règlement des conflits régionaux et les enjeux internationaux. Le 8 novembre 2022, l’Algérie et la Chine ont procédé à la signature du «deuxième plan quinquennal de coopération stratégique globale pour les années 2022-2026 visant, selon le communiqué, à «continuer à intensifier la communication et la coopération entre les deux pays dans tous les domaines, y compris l’économie, le commerce, l’énergie, l’agriculture, la science et la technologie, l’espace, la santé et la communication humaine et culturelle. Mais sur le plan économique, les échanges sont déséquilibrés. La Chine accapare plus de 18% des importations algériennes, suivie de la France (9,72%), l’Allemagne (6,89%), l’Italie (6,25%) et l’Espagne (5,70%). Même le choc pandémique qui a frappé de plein fouet les échanges commerciaux mondiaux n’a pas réussi à enrayer le mouvement haussier des exportations chinoises vers l’Algérie. Selon les statistiques douanières algériennes de 2010 à fin 2020, les exportations de la Chine à destination de l’Algérie ont totalisé environ 76 milliards de dollars. Ainsi la Chine demeurait le principal fournisseur de l’Algérie avec une moyenne annuelle depuis 2013 de 8 milliards de dollars d’exportations vers l’Algérie. Alors que ses importations depuis l’Algérie, constituées essentiellement d’hydrocarbures, se sont chiffrées à seulement 14,793 milliards de dollars, avec donc un déficit commercial de l’Algérie avec la Chine à plus de 61 milliards de dollars. La Chine est le plus grand constructeur en Algérie avec la grande mosquée d’Alger, l’autoroute Est-Ouest et le complexe olympique d’Oran sont autant de projets parmi d’autres réalisés par la Chine en Algérie, encore que le reproche est la faiblesse du transfert technologique. Nous avons des projets toujours en négociation dont l’exploitation du Gara Djebilet contenant des réserves de 3,5 mds tonnes de fer (haute concentration de phosphore), l’entreprise nationale algérienne du fer et de l’acier (Feraal) ayant conclu un protocole d’accord avec un consortium chinois et le projet du port Centre d’El Hamdania qui devait être financé en partie par Exim Bank of China, d’une capacité de 25,7 millions de tonnes/an et d’un coût d’investissement de prévu entre 5/6 milliards de dollars, la réalisation du futur port en eau profonde était prévue pour durer 7 ans, où les travaux devaient démarrer en 2021 avec une première phase qui devait être sera livrée en 2025. Mais il faut être réaliste, les principaux partenaires de l’Algérie étant actuellement l’Europe et accessoirement les USA, PIB Algérie qui était selon le FMI de 163 milliards de dollars en 2021, étant estimé à 190 en 2022 représente, dont sur 6,6 milliards hors hydrocarbures en 2022, 65% sont des dérivées d’hydrocarbures ( source APS) environ 1% du PIB chinois, les réserves de change d’environ 63 milliards de dollars fin février 2023 environ 0,2% des réserves chinoises, la part des exportations chinois vers l’Algérie si l’on prend une moyenne de 7/8 milliards de dollars 0,02% et les exportations de l’Algérie vers la Chine si l’on prend un montant optimiste entre 1 et 1,2 milliard de dollars, tendant au sein de la balance commerciale chinoise vers zéro. Aussi, l’Algérie mise, outre le renforcement de la coopération militaire sur la Chine pour des projets structurants lui permettant d’enclencher le processus de développement économique et la création de la richesse et de l’emploi. Le Plan exécutif pour la concrétisation conjointe de l’initiative de la Ceinture et de la Route de la soie que la Chine a lancé baptisé Belt and Road Initiative (BRI) ayant pour objectif d’améliorer les voies de communication et la coopération à l’échelle transcontinentale, où l’Algérie est partie prenante, est un projet porteur qui pourrait mettre l’Algérie au cœur des enjeux stratégiques.
En conclusion, l’Afrique qui est un enjeu stratégique majeur au XXIe siècle , expliquant les rivalités des grandes puissances, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant mise, outre le renforcement de la coopération avec l’Europe et les USA sur la Chine pour des projets structurants lui permettant d’enclencher le processus de développement économique et la création de la richesse et de l’emploi. Depuis sa création en 2000, le Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA) a favorisé la collaboration stratégique, qui s’est traduite par une forte augmentation des initiatives diplomatiques et de coopération où uniquement selon des données publiées par l’administration générale de la douane chinoise pour 2022 les investissements directs chinois en Afrique ont atteint 3,4 milliards de dollars, et les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint un montant de 282 milliards de dollars en 2022, en hausse de 11% par rapport à 2021 et les importations chinoises en provenance d’Afrique ont totalisé 117,51 milliards de dollars, la plupart des exportations chinoises vers l’Afrique étant des produits finis (textile-habillement, machines, électronique, etc.), tandis que les exportations africaines vers la Chine sont dominées par les matières premières comme le pétrole brut, le cuivre, le cobalt et le minerai de fer, d’où un excédent commercial en faveur de la Chine.
- M.