8 Mars: Femmes algériennes, histoire d’un combat

0
3703

Le combat pour l’égalité des droits entre hommes et femmes est toujours d’actualité. La célébration de la Journée internationale des femmes a été initiée, en août 1910, à la deuxième conférence internationale des femmes socialistes, à Copenhague, par Clara Zetkin (Parti social-démocrate d’Allemagne), et d’Alexandra Kollontaï (menchevik du Parti ouvrier social-démocrate de Russie). Le principe de célébrer cette journée était admis, sans toutefois préciser la date du 8 Mars. Dès lors, des manifestations impressionnantes ont eu lieu dans de nombreux pays, et les femmes ouvrières manifestent par millions pour réclamer leurs droits à la Journée de 8 heures, leurs droit de vote, leur droit d’adhérer à un syndicat, et droit à la protection de la maternité.

La première journée internationale des femmes est d’abord célébrée le 19 Mars 1911. Mais c’est en 1917, lors de la grève des ouvrières de Saint Pétersbourg que la date du 08 Mars sera retenue. Le 8 mars 1921, Lénine décrète que cette journée sera la «journée internationale des femmes, journée régulièrement célébrée dans tout le bloc de l’Est. Ce n’est qu’après la fin de la seconde guerre mondiale, que le monde célèbre cette journée du 8 Mars, journée internationale des femmes. Cette journée est ensuite reconnue et officialisée en 1977 par les Nations Unies.

Place de la femme algérienne pendant la colonisation française

Deux points fondamentaux sont à retenir pour cette période coloniale. La scolarisation des filles et le droit de vote des femmes. Nos filles étaient exclues, au départ de la scolarisation, en dépit du décret du 13 février 1883, étendu à l’Algérie, les lois Ferry, lois scolaires françaises permettant l’enseignement primaire obligatoire. Puis très peu vont à l’école. En 1950, seulement 4% de filles et 10% de nos garçons peuvent fréquenter l’école. Les filles étaient plutôt confinées à des tâches ménagères ou encore artisanales. A l’indépendance, plus de 90% des femmes sont analphabètes. S’agissant du droit de vote, on l’accorde à la femme française par ordonnance du 21 avril 1944, sans toutefois l’étendre aux algériennes. Elles en seront privées, et ce, jusqu’au 28 septembre 1958 pour le scrutin constitutionnel.

Place de la femme algérienne pendant la lutte de Libération nationale

Nos femmes se sont vouées corps et âmes pour une Algérie libre et indépendante, une attitude bien courageuse, dans une société profondément traditionnelle et conservatrice. Nos femmes se sont distinguées, en prenant les armes ou en posant des bombes ou encore en venant en aide aux Moudjahidine. Une période qui va marquer profondément la coupure avec la famille et le mode de vie traditionnel. Certaines vont même abandonner le voile, ce qui va éveiller en elles un besoin de liberté. Des lycéennes et étudiantes ont ainsi joué un rôle décisif dans la bataille d’Alger, dès les premières années de la Révolution, en intégrant le «réseau bombe». Certaines sont au maquis et vont mourir les armes à la main et enfin d’autres seront en soutien logique des moudjahidine et seront torturées et violées par l’armée française. De nombreuses femmes vont émergées, pour nommer Djamila Bouhired qui rejoint le Front de Libération nationale, alors qu’elle était étudiante, Malika Gaïd, morte les armes à la main, Hassiba Ben Bouali, icône du martyre, Zohra Drif qui voulait être libre dans son pays. Une pensée à toutes ces femmes qui symbolisent le courage, le combat, et qui ont forcé le destin pour une Algérie libre.

Place de la femme algérienne à l’indépendance

A l’indépendance de l’Algérie, tous les espoirs étaient permis pour les femmes. La condition des femmes s’améliorent un peu. Elles participent à la vie politique, et sont élues à des assemblées communales. L’UNFA (Union nationale des femmes algériennes) a été créée, à cet effet. Malheureusement, il est devenu un appendice du FLN, parti unique, et n’a apporté aucune amélioration substantielle à la condition féminine. La pression sociale, les coutumes et les préjugés se sont révélés plus forts, et nos femmes ont été éloignées progressivement des sujets importants de notre société. Les Algériens étaient soumis au code civil, mais à partir du 9 juin 1984, le code de la famille est adopté, à huis clos, à l’APN, avec pour ainsi dire presque sans représentation féminine. Les femmes sont alors reléguées à un statut de mineur, et des règles ont été introduites pour conditionner la polygamie. Pire, encore ce code de la famille a été un du désastre social, dans la mesure où des milliers de femmes se sont retrouvées à la rue. Nos femmes courageuses se sont alors organisées en associations pour se battre contre cette injustice et mettre fin à ce statut qui les prive de leurs droits. Durant la décennie noire , nos femmes résistent au terrorisme. Elles en sont les premières victimes. Elles ont vécu une période d’intense violence, kidnappées, violées et égorgées. Le combat pour les droits des femmes n’a jamais cessé pour autant. Un combat rude dans une société conservatrice. C’est ainsi que le code de la famille a été révisé en 2005 pour donner un peu plus de droits aux femmes algériennes, et une meilleure place dans la société. Un Code qui prévoit donc l’attribution du droit de garde des enfants à la mère divorcée alors qu’il revenait systématiquement au père dans l’ancien code. Il a été introduit aussi l’obligation du père d’assurer le logement à ses enfants mineurs dont la garde est confiée à la mère. Le droit de garde est tout de même retiré à la mère si celleci se remarie. Et la polygamie est soumise au consentement de la première épouse. Il est également prévu la reconnaissance de maternité pour la mère célibataire qui lui permet de reconnaître son enfant, et de lui transmettre son patronyme. Des amendements importants ont été apportés, c’est vrai, mais il reste encore à faire. La polygamie est encore maintenue, et la femme garde toujours son statut de mineur. Elle a toujours besoin, d’un père, d’un frère ou d’un tuteur pour se marier. Le 5 mars 2015, une autre loi a vu le jour, en faveur des femmes. Une loi criminalisant les violences faites aux femmes a été promulguée, notamment les violences du conjoint. Il a également été introduit la notion de harcèlement dans les lieux publics. Un amendement du code pénal prévoit des peines de prison de 2 an à 20 ans, et la réclusion à perpétuité, en cas de décès pour quiconque porte des coups volontaires au conjoint. La condition de femmes en Algérie a enregistré des améliorations, mais il reste encore beaucoup à faire. Nos femmes sont passées de l’enfermement domestique à une présence relativement importante dans les lieux publics. Un changement radical, depuis l’indépendance. C’est vrai que nos femmes font des études, travaillent, ont des postes dans des administrations pour certaines, elles sont aussi médecins, et professeurs, bien que leur accès à des postes de responsabilité politique soit encore faible. Il demeure que nos femmes évoluent dans une société encore fermée et conservatrice où les préjugés dominent encore un peu plus les lois de la République, mises en vigueur. Et même les lois sont encore loin de répondre aux aspirations d’une société moderne et progressiste, tant que la femme est infériorisée. Le combat pour l’égalité homme – femme n’est pas encore gagné et a même encore de beaux jours devant lui.

Bettahar Samia