56e anniversaire de la Victoire: Ce que prévoyaient les Accords d’Evian

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Photo D.R

56 ans après la fin de la Guerre de Libération nationale, la tentation est grande, pour beaucoup, de refaire l’histoire. Illusions persistantes, souvenirs douloureux, nostalgie, brouillent le regard de nombreux commentateurs algériens et français à propos des Accords d’Evian.

Nous tenterons à travers cette rétrospective historique de dissiper un certain nombre d’idées reçues, expliquer pourquoi et comment la France a fini par accepter de discuter et de négocier avec les représentants du GPRA du sort de l’Algérie et notamment des perspectives en matière de coopération économique, de l’éducation et de la culturelle. La délégation algérienne négociant au nom du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), est parvenue, dans le cadre des accords d’Evian, après un long processus de lutte armée qui a durée huit ans, d’intéruption des négociations et de désaccord sur des questions de fond comme le Sahara algérien et les garanties accordées à la minorité européenne en Algérie, pour parvenir à la signature de l’accord de cessez-le feu, entré en vigueur le 19 mars 1962. La délégation algérienne était composée de prestigieuses personnalités historiques dont Krim Belkacem vice président du GPRA, Lakhdar Bentobal, Saâd Dahlab, Rédha Malek et Mohamed Seddik Benyahia. Les négociations entre les deux parties avaient été marquées par plusieurs manœuvres françaises pour s’imposer, notamment en refusant de négocier avec le Front de libération nationale (FLN), seul représentant légitime du peuple algérien et son appel pour séparer le Sahara algérien du Nord, proposition rejetée de façon catégorique par la partie algérienne. Au terme de ces négociations, le cessez-le-feu a été proclamé par les deux parties pour le 19 Mars 1962 à midi outre l’organisation du réfé- rendum d’autodétermination le 1er juillet 1962, ayant abouti à l’indépendance de l’Algérie et mis fin à plus de 132 ans d’occupation française. Des études universitaires avancent que «le général de Gaulle avait réservé à l’Algérie, dans son allocution du 13 juillet 1958 une «place de choix» dans la «Communauté plus large» que la Constitution allait bientôt instituer, mais aussi qu’il avait une manière très personnelle d’interpréter «sa» Constitution, qui ne faisait pas l’unanimité des juristes. C’est pourquoi il a était difficile au départ pour le général De Gaulle de renoncer successivement à des principes qu’il avait longtemps proclamés intangibles, le préalable de la déposition des armes par les membres de l’ALN en juin 1960 que les émissaires du GPRA à la rencontre de Melun ont refusé et celui d’un cessez-le-feu sans conditions, remplacé en mai 1961 par une trêve unilatérale des opérations offensives que le FLN dénonça comme un piège.

Les origines des Accords d’Evian

Le début de la déclaration générale se réfé- rait au référendum du 8 janvier 1961, suivi et entériné par la loi du 14 janvier 1961, qui avait légitimé le recours à l’autodétermination des populations algériennes, et permis au gouvernement français de la préparer en réglant par décrets l’organisation des pouvoirs publics en Algérie, de façon à créer un organe exécutif et des assemblées délibératives algériennes. En effet, en mars 1962 pendant la propagande déployée officiellement durant l’été 1958 par les autorités militaires et civiles en faveur du «oui» au référendum sur la Constitution de la Ve République, qui était officiellement présentée comme un «oui» à la France «de Dunkerque à Tamanrasset». Le référendum et la résistance algérienne, en s’appuyant, notamment sur des déclarations du Premier ministre Michel Debré, qui affirmait en 1959 que «les départements d’Algérie et du Sahara font partie de la République au même titre que les départements métropolitains», et que «aucune transformation en Etats de la Communauté, aucune sécession de la République, ne sont donc constitutionnellement possibles pour les départements et territoires faisant actuellement partie de la République française». Au fil des années et devant l’intransigeance du FLN. Le général De Gaulle accepta ainsi de reconnaître de fait le GPRA comme seul interlocuteur valable et comme futur gouvernement probable de l’Algérie indépendante depuis le mois de mai 1961 qui a connu les premières rencontres officielles entre les représentants du gouvernement fran- çais et les représentants du gouvernement provisoire de la République algérienne pour relancer ces négociations suspendues après les conférences d’Evian (mai-juin 1961) et de Lugrin (juillet 1961), et pour les faire aboutir, il dut reconnaître la souveraineté du futur Etat algérien sur les deux départements sahariens (5 septembre 1961) et consentir de nouvelles concessions sur les droits de la communauté européenne et des musulmans voulant conserver leur nationalité française dans l’Algérie indépendante. Il obtint en contrepartie un régime transitoire privilégié de bi nationalité pendant trois ans pour les Français d’Algérie, et des garanties générales de sécurité, censées protéger contre toutes représailles tous ceux qui avaient pris parti contre le FLN en actes ou en paroles. Le texte des Accords d’Évian comprend deux parties : un accord de cessez-le-feu, dont l’application est fixée au lendemain 19 mars 1962 des déclarations gouvernementales relatives à l’Algérie, qui portent, notamment sur la période de transition jusqu’au référendum d’autodétermination Le 18 mars 1962, Louis Joxe, ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, annonce le dimanche, dans un communiqué, que la délégation française et les représentants du Front de libération nationale (FLN), conduite par Krim Belkacem, étaient parvenus à un accord mettant fin aux combats engagés depuis le 1er novembre 1954 en Algérie. Le document de 93 pages, signé par les deux délégations, réunies onze jours à l’Hôtel du Parc, à Evian, décrète un cessezle-feu. Il prévoit l’organisation rapide d’un référendum pour que les populations «choisissent leurs destins». Il définit un cadre des relations entre la France et la future Algérie indépendante.

La période transitoire

Le cessez-le feu devait mettre fin «aux opé- rations militaires et à toute action armée» le 19 mars à douze heures, et interdire par la suite «tout recours aux actes de violence individuelle et collective», ainsi que «toute action clandestine et contraire à l’ordre public». Seules les forces françaises pourraient circuler librement jusqu’au résultat de l’autodétermination, tout en évitant le contact avec les forces du FLN. Les incidents seraient réglés par des commissions mixtes, et tous les prisonniers seraient libérés. La déclaration générale partageait les compé- tences pendant la période transitoire entre un haut commissaire de France, responsable de l’ordre public en dernier ressort, et un exécutif provisoire franco-algérien nommé d’un commun accord, et disposant d’une force locale ; elle promettait un référendum d’autodétermination dans un délai de trois à six mois, proclamait la souveraineté du futur Etat algérien, garantissait les libertés et la sécurité de tous ses habitants, fixait les principes de la coopération entre les deux Etats, du règlement des questions militaires et de celui des litiges. Plusieurs déclarations particulières promettaient l’amnistie pour tous les actes commis en relation avec les événements politiques avant le cessez-le-feu et l’immunité pour toutes les opinions émises jusqu’à l’autodétermination, l’exercice des droits civiques algé- riens pour les citoyens français d’Algérie (avec représentation proportionnelle à leur nombre) pendant trois ans avant de choisir leur nationalité définitive, le respect de leurs biens, de leurs droits civils, et de leur religion. Elles prévoyaient aussi la coopération économique et financière, fondée sur la réciprocité des intérêts ; la mise en valeur des richesses du Sahara par un organisme franco-algérien ; la coopération culturelle et technique. Une convention militaire ordonnait la réduction des forces françaises à 80 000 hommes un an après l’autodétermination et leur évacuation totale deux ans plus tard, sauf les bases navales et aériennes de Mers El Kébir et Bousfer, concédées pour 15 ans, et les sites sahariens d’essais de bombes atomiques et de fusées pour 5 ans. Les litiges devaient être réglés par concertation, arbitrage, ou appel à la Cour internationale de justice. Ces accords étaient signés à la fin du dernier feuillet par trois ministres français, Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie, et par le vice-président du GPRA Belkacem Krim, qui avait tenu par surcroît à parapher chacun des 92 feuillets précédents, obligeant ainsi son homologue français Louis Joxe à en faire autant. Le texte authentique des accords et les «déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie», publiées dans le Journal officiel de la République française du 20 mars sous les signatures du président de la République, du Premier ministre, et des ministres Louis Joxe, Louis Jacquinot, Bernard Chenot et Jean de Broglie, et suivies de plusieurs décrets d’application. En effet, les accords ont été publiés séparément par les deux parties, et avec des différences de présentation significatives. Les représentants du gouvernement de la République et les représentants du Front de libération nationale ont établi d’un commun accord des déclarations qui définissent la solution d’indépendance de l’Algérie et de coopération avec la France, déclarations qui seront soumises à l’approbation des électeurs lors de la consultation d’autodétermination. Le préambule originel des accords signés ne fut pas publié tel quel, pas plus que la première partie. En effet, la version française publiée au Journal officiel commençait par l’«Accord de cessez-le-feu en Algérie», suivi par les «Déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie», qui commençaient par la «Déclaration géné- rale» résumant l’ensemble des accords, avant de reproduire toutes les déclarations de principes. La déclaration générale commençait ainsi : «Le peuple français a, par le référendum du 8 janvier 1962, reconnu aux Algériens le droit de choisir, par voie d’une consultation au suffrage direct et universel, leur destin politique par rapport à la République française. Les pourparlers qui ont eu lieu à Evian du 7 mars au 18 mars 1962 entre le gouvernement de la République et le FLN ont abouti à la conclusion suivante : De son côté, le FLN publia seulement, dans son organe officiel El Moudjahid, la déclaration des garanties, commençant par une introduction légèrement différente de la version française : «Cette déclaration générale constitue le résumé et le préambule des textes détaillés des accords, contresignés respectivement par Belkacem Krim et Louis Joxe à Evian, le 18 mars 1962. Les pourparlers qui ont eu lieu à Evian du 7 au 18 mars 1962 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement provisoire de la République algérienne ont abouti à la conclusion suivante : (…)». En effet, le général De Gaulle n’avait pas voulu reconnaître formellement le GPRA comme tel. C’est pourquoi le gouvernement français avait d’abord prévu de ne signer aucune déclaration bilatérale avec le FLN, puis de ne signer que le cessez-lefeu, et il s’était finalement contenté de signer le dernier feuillet des accords, puis il en avait publié les textes en leur donnant l’apparence de décisions souveraines unilatérales ; alors que le vice-président du GPRA avait insisté pour en parapher tous les feuillets afin de leur donner celle d’un traité international. Enfin, les responsabilités du gouvernement français dans l’échec des accords ne sont pas négligeables. Il les avait présentés comme «la solution du bon sens», la meilleure solution pouvant sauvegarder dans toute la mesure du possible les intérêts légitimes de la France et ceux des Français d’Algérie. Puis il a rejeté sur l’OAS toute la responsabilité de leur effondrement. Or, 2 constats s’imposent. Le gouvernement français n’a pas réagi avec la même énergie contre toutes les violations du cessez-le-feu, suivant qu’elles ont été commises par l’OAS ou par le FLN. Dans le premier cas, il a recouru à la force des armes et a fait ouvrir le feu, notamment à Alger du 22 au 26 mars 1962. Dans le second cas, il a été beaucoup plus modéré. La priorité donnée avant même le cessez-le-feu à la lutte contre l’OAS l’a conduit à collaborer avec le FLN. Dès la proclamation de l’indépendance, l’armée française a perdu le droit d’intervenir sans l’accord des nouveaux responsables algériens, notamment le 5 juillet à Oran Il y a bien eu deux poids et deux mesures, parce que les violations du cessez-le-feu par l’OAS empêchaient la France de mettre fin à la guerre d’Algérie, alors que celles du FLN-ALN en empêchaient seulement une fin honorable.