Ceux qui ont misé sur un essoufflement ou un quelconque affaiblissement du mouvement populaire, ont en eu pour leur compte.
Hier encore, des milliers de citoyens ont battu le pavé, emboîtant le pas aux étudiants sortis mardi à travers l’ensemble du territoire national pour dénoncer les agissements du régime en place, exiger le départ des symboles restants du système de Bouteflika et exprimer leur rejet à la tenue des élections présidentielles du 4 juillet prochain que le pouvoir s’entête à organiser malgré ce refus de la majorité du peuple. Les premiers manifestants brandissaient des pancartes et de banderoles aux côtés de l’emblème national sur les lesquelles des slogans hostiles au pouvoir sont exprimés. En dépit des effets du jeûne pendant ce mois sacré de ramadhan et de la canicule, les manifestants n’ont pas baissé les bras et se sont dits déterminés à aller jusqu’au bout pour déloger les Bensalah, Bedoui, Bouchareb et autres qui s’entêtent à résister à la sentence populaire. Au milieu d’un dispositif sécuritaire fortement déployé pour éviter tout éventuel dérapage, les foules ont scandé leurs slogans habituels hostiles au système et appelé à l’indépendance de la justice et au jugement de tous les corrompus qui se sont rendus coupables de la dilapidation et du détournement des deniers publics et de l’argent du peuple. Cette nouvelle journée de mobilisation intervient alors que les partis de l’opposition ont, dans leur majorité, rejeté l’appel au dialogue lancé par le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah en vue de parvenir à un consensus qui soit le plus large possible. C’est le cas notamment du Parti des travailleurs dont la secrétaire générale, Louisa Hanoune, a été placée, jeudi dernier par le tribunal militaire de Blida, en détention provisoire dans le cadre de l’enquête ouverte contre Athmane Tartag, Mohamed Mediène et Said Bouteflika, poursuivis pour « atteinte à l’autorité de l’Armée et complot contre l’autorité de l’Etat ». Le PT qui n’a pas apprécié le discours de Bensalah, estime qu’il intervient dans un contexte d’« aggravation de la crise du système». Le parti de Louisa Hanoune a qualifié le discours de du chef d’Etat qui évoquait des «manigances» et des «complots», «d’insulte intolérable» à la révolution populaire et « sonne comme une fin de non-recevoir aux aspirations de l’écrasante majorité qui veut se libérer du carcan du système décomposé et du régime présidentialiste autoritaire et anti-démocratique». «Ainsi, Mr Bensalah, sur un ton martial et contre l’avis de l’écrasante majorité, annonce le maintien de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain, confisquant le droit du peuple de trancher sur la nature du régime et donc des institutions à mettre en place», assène le PT. Le parti des travailleurs en veut d’autant plus que «la majorité du peuple exige le départ de tout le système d’abord pour, ensuite, dans le cadre d’une justice indépendante, juger tous les responsables et hommes d’affaires concernés, pour précisément éviter les règlements de compte, la sélectivité des décisions, en période révolutionnaire et alors que le démantèlement du système n’est pas parachevé». C’est pourquoi et compte tenu de ces développements, le PT pense que « seule la poursuite de la mobilisation massive et unitaire, est capable de stopper la contre révolution en marche et d’imposer la victoire de la révolution du 22 février ». De son côté, le FFS note que « la cheville ouvrière des simulacres de dialogue, de la normalisation autoritaire et constitutionnelle, fraudeur des élections électorales depuis plus d’un quart de siècle et le très contestable chef de l’état issus des deux béquilles illégitimes et impopulaires du régime, a prononcé hier soir son discours ». Et d’ajouter : « Alors que les plus crédules parmi les observateurs non-initiés aux soubassements des pratiques ténébreuses du régime algérien, s’attendaient à voir et à entendre des décisions salutaires de la part de la nouvelle façade du système, ils se sont aux finals rendus à l’évidence de leur grande déroute ». Le plus vieux parti de l’opposition relève, en outre, que « les décideurs actuels, qui sont visiblement exclusivement issus du cercle fermé de l’état-major de l’armée, au lieu de répondre au sursaut historique de la dignité du peuple algérien, sont radicalement résolus à exécuter et à imposer leur propre feuille de route ». Revenant à la crise politique, le FFS soutient « qu’un vrai dialogue ne peut pas et ne doit pas se faire avec ou à travers des personnages qui sont viscéralement et radicalement désavoués par la majorité du peuple algérien. Pas plus qu’un vrai « débat ne peut pas trouver une viabilité ou une quelconque crédibilité dans un environnement parasité par les influences néfastes des institutions illégitimes et impopulaires». Récemment, les partis et personnalités ayants pris part à une rencontre de concertation des « Forces du changement en faveur du choix du peuple », ont appelé à l’organisation d’une « rencontre nationale » afin de trouver une solution à la crise politique que traverse le pays. L’accent a été mis lors de cette rencontre sur la nécessité de « former une commission qui se chargera d’organiser une rencontre nationale des Forces du changement qui soit ouverte à tous les acteurs de la société, à l’exception des parties ayant été à l’origine de la crise actuelle, et ce afin de rechercher une solution qui puisse répondre aux revendications pacifiques du peuple ». Se disant ouverts à toute initiative pouvant contribuer à satisfaire les revendications populaires, les participants à cette rencontre ont réitéré leur attachement au dialogue en tant que principe à même de trouver une issue à cette situation. Ils ont salué, par la même occasion, l’appel au dialogue exprimé par l’Armée nationale populaire (ANP) dans son communiqué rendu public mercredi. Après avoir réitéré leur soutien au Hirak populaire et à la sauvegarde de la cohésion de l’élan populaire pacifique, les participants ont souligné l’impérative préservation de l’indépendance de la justice dans le traitement de tous les dossiers ainsi que le respect des règles de la justice, de l’impartialité et de l’équité. Ils ont également appelé à prendre des mesures « urgentes » pour récupérer l’argent public détourné et protéger la richesse populaire, mettant l’accent sur la nécessité d’informer l’opinion publique sur les poursuites judiciaires lancées dans les dossiers de corruption. Pour de nombreux acteurs politiques, la conjoncture sensible que traverse le pays exige un rapprochement entre toutes les franges du peuple algérien et la classe politique en vue de relever les défis qui se posent, dont notamment la préservation de la sécurité, la stabilité, l’unité nationale et les intérêts suprêmes du pays, tout en affirmant que la stabilité du pays est quelque chose de sacré et qu’elle constitue une ligne rouge à ne pas franchir. Le douzième vendredi du Hirak, qui a drainé du monde à travers les quarante-huit wilayas du pays, bien qu’en nombre inférieur par rapport aux semaines passées, est marqué par des avis partagés suite aux dernières incarcérations qui ont touché plusieurs hauts responsables politiques et sécuritaires. Si les manifestants demeurent résolument engagés à préserver le caractère pacifique des rendez-vous du vendredi, ils semblent néanmoins de plus en plus divisés sur la suite à donner à ce mouvement populaire né le 22 février dernier. On voit clairement qu’une partie de l’opinion fait corps avec l’état-major de l’ANP, en qui elle place sa confiance pour «éradiquer» le mal à la racine, et qu’une autre commence à s’inquiéter et à revendiquer un départ imminent de tous les symboles de l’ancien système «sans exception». Une chose est sûre, quel que soit l’avis des manifestants, tous s’accordent à dire qu’ils continueront à battre le pavé jusqu’à ce que le changement dont ils exigent l’avènement rapide se réalise. Or, le dernier discours du général Ahmed Gaïd-Salah et les audiences du chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, indiquent que le pouvoir persiste à vouloir tenir l’élection présidentielle le 4 juillet prochain, en dépit du refus de l’écrasante majorité des citoyens. L’armée changera-t-elle d’avis d’ici là ? Le prochain discours de l’homme fort de l’armée éclairera notre lanterne sans doute sur le prochain itinéraire inscrit sur sa feuille de route. A ce titre, les idées proposées sur la scène nationale sont à même de concrétiser le rapprochement entre les différentes franges de la société populaire et d’ouvrir d’autres perspectives permettant de surmonter fin de sortir sain et sauf de la situation actuelle, ont-ils souligné, mettant l’accent sur l’impératif de faire preuve de sagesse et faire prévaloir l’intérêt suprême du pays et du citoyen.
T. Benslimane






